Le terme shonen signifie garçon en japonais. Par extension, il est devenu le nom usuel pour désigner les mangas qui s’adressent en priorité à cette audience. De Naruto à One Piece, en passant par Dragon Ball ou Demon Slayer, les shonen sont d’immenses succès d’édition, qui savent durer dans le temps, fédérer des communautés de tout âge, multiplier les points de contact comme les formats. Que peuvent inspirer des histoires de ninjas ou de pirates aux marques ?

 1 – L’obsession du but

Malgré la complexité de la narration, les rebondissements et les arcs multiples, le héros de shonen a un but, un objectif clairement défini, souvent jugé hors d’atteinte, qui guide ses actions et ses choix jusqu’à l’obsession. Devenir le protecteur de son pays, trouver un trésor mythique, ou être champion du monde. Quelque soit le nombre de tomes et d’épisodes (ils peuvent dépasser la centaine), le but initial est toujours réaffirmé : il est fondateur et incontournable.

Qelles marques sont aujourd’hui capables de répondre aussi simplement à « c’est quoi mon but dans la vie ? ». Dans l’animation de workshops de plateformes de marques, c’est souvent un passage critique surtout quand la consigne spécifie « la formulation doit être comprise par un enfant de 10 ans. » Une fois la réponse formulée, combien de marques sont capables de le prouver à travers leurs actions quotidiennes, au milieu d’une campagne promotionnelle ou via un post qui rebondit sur l’actualité ? De nombreuses occasions sont bonnes pour faire exception et mettre l’objectif de côté, quand le shonen martèle sans relâche.

2 – La lisibilité des personnages

D’un manga à l’autre, les personnages de shonen se ressemblent… beaucoup. Chacun correspond à un archétype fort, qui peut être librement interprété mais jamais challengé. Les « non habitués » peuvent juger les personnages stéréotypés, sans finesse et sans profondeur, mais l’archétype est un socle culturel efficace, qui fait gagner du temps et facilite l’attachement aux personnages, voire l’identification. En quelques pages, un lecteur peut facilement identifier les archétypes de chaque caractère. Si les personnages de shonen n’ont pas la profondeur d’un héros de Prix Goncourt, ce n’est donc pas par manque de talent des auteurs mais par soucis d’efficacité, conscience de leur rôle et de leurs moyens. Or le quotidien des marques est plus proche du shonen que du Goncourt.

Quelles marques sont aujourd’hui capables de définir leur archétype et de le rendre lisible au premier coup d’oeil? Pour revenir aux plateformes de marque, l’archétype est présent dans divers modèles. L’exercice génère de nombreux débats et aboutit à des compromis, des mélanges, des archétypes secondaires ou des « touches de ». Les marques veulent s’incarner dans des archétypes parfaits, purgés de leurs défauts, quand les mangas fondent l’attachement sur la naïveté de l’Innocent, le jusqu’au boutisme du Heros, les compulsions du Jester… des archétypes purs et complets, parfaitement lisibles par l’équilibre entre leurs qualités et leurs défauts.

3 – Les valeurs positives

Les shonen véhiculent des valeurs simples et immuables : le mérite, l’amitié, le dépassement de soi, la résilience. Des valeurs « idéales » pour bon nombre d’entreprises qui oseraient à peine les murmurer face aux jeunes générations. Pourtant, ces valeurs n’ont jamais fait fuir les X, Y, Z ou alpha qui consomment les shonen depuis les années 90. Pourquoi ? D’abord parce qu’elles sont incarnées par des héros qui les pratiquent assidûment mais n’en font pas une raison d’exclure les autres. Le héros de shonen juge rarement : il est entouré d’amis très différents, transcendées par sa bienveillance qui confine à la naïveté.Ensuite parce que ces valeurs garantissent la victoire : dans les shonen les efforts paient et le manque d’efforts se paie.

Combien d’entreprises parviennent à garantir leur succès par le développement de valeurs positives immuables ? Combien parviennent à faire de l’adversité une raison de persister plutôt que de reculer ?

En synthèse

Les shonen sont inspirants parce qu’ils sont comme les marques : ils doivent plaire vite, créer de l’attachement et de la préférence, au milieu d’une compétition féroce, face à des géants installés ou des challengers agressifs. Ils parlent à des audiences zappeuses et hyper connectées, avec des moyens limités.

Les 3 ingrédients de réussite décrits précédemment participent d’une même démarche : simplifier et essentialiser le propos pour être immédiatement lisible et toujours cohérent.

On pourrait objecter que pour les marques, « c’est plus compliqué » : parce qu’il y a des impératifs business, parce qu’il y a de plus en plus de points de contacts, qui ont chacun leur recette et leurs exigences, parce qu’il est de plus en plus facile, via la data, de déclencher des comportements de clic ou d’achat sans nécessité de faire aimer la marque, parce qu’une marque dépend de 1000 voix extérieures, influenceurs, clients, collaborateurs, critiques qui peuvent avoir une visibilité supérieure à ses propres publicités.

En effet, la complexité est telle que les plateformes de marques peinent souvent à juguler le tout. En l’absence d’un mode d’expression ultra dominant (comme la TV 30 secondes d’il y a 20 ans), cette complexité rend les marques illisibles pour leurs audiences qui « picorent » sans saisir la direction générale et ne s’attachent pas.

C’est justement cette complexité qui rend la quête du shonen si indispensable et efficace pour les marques.

Et vous ce serait quoi votre shonen ?

PS : s’il est inspirant, l’univers des shonen est très loin de la perfection, notamment dans certaines représentations des femmes, de la violence, de la sexualité… ou dans la persistance d’un humour très « ados d’avant ». Ce point de vue se limite donc aux systèmes de narration cités précédemment qui, eux, peuvent servir de benchmark.